Moto-Bobo-Hosto

Publié le par Aurélien

Jusque là, je m'étais fait mienne la phrase ce qui ne te tue pas te rend plus fort. Cependant, j'ai récemment exploré les limites de cette devise, en allant m'écraser la tête contre le sol alors que je roulais en moto. Cela faisait 2 semaines que je disais que j'allais m'acheter un casque, mais se protéger la tête n'est pas encore entré dans les moeurs par ici, alors je n'ai pas trop culpabilisé a laisser traîner les choses.

J'ai longtemps hésité à donner les détails de mon accident, et j'ai finalement décidé de le faire, en espérant que cela incitera quelques touristes/expatriés à porter un casque. A peu près tout le monde est d'accord sur son utilité, mais presque personne n'en porte. Alors voilà le récit de ce qui peut être évité en dépensant 10€.

Cela faisait 50 Km que nous roulions à 4 motos vers Sinje,  une ville située a 60 Km de Pondichéry.  Deux motos m'avaient distancé, car j'avais un peu ralentit pour rétablir le contact avec la quatrième que nous avions perdu de vue depuis un petit moment. La route était quasiment déserte, je roulais aux alentours de 65-70 Km/h, quand un tracteur qui venait vers moi sur le coté gauche de la route (rappel : on roule a gauche ici) m'a coupé la trajectoire alors que j'arrivais à sa hauteur. Je suis parti vers la droite pour l'éviter, mais j'ai finalement heurté sa roue avant, et j'ai perdu connaissance. C'est la première fois de ma vie que cela m'arrive, c'est assez étrange, on s'endort soudainement, c'est presque agréable.

Par contre, le réveil est un cauchemar. Apparemment, je ne suis pas resté inconscient très longtemps, une minute peut être. Comme tiré brutalement d'un sommeil très profond, j'ai hésité quelques secondes avant d'être obligé d'accepter que tout était bien réel. Et là, ça a été le début de l'horreur, car je n'étais pas seul sur la moto, mais accompagné d'une copine appelée Sophie. Je l'ai retrouvé inanimée sur le sol, le visage ensanglanté par une plaie béante de 5 centimètres de long en travers du front, le genre de plaie qu'on est pas habitué a voir, et qui glace le sang. La retrouver ainsi par terre, avec l'impression de voir sa cervelle, et réaliser qu'on est dans un endroit paumé à au moins une heure du premier hôpital, c'est vraiment une situation que je ne souhaite à personne.

Pour ma part, j'ai assez vite repris mes esprits, mais ce n'est que pour mieux me sentir désemparé. Car autour de nous, tout un tas de gens regardent la scène, mais personne ne parle anglais. Je demande un taxi, je ne comprends pas ce que l'on me répond. Je ne sais pas où on est, je ne sais pas comment en partir, je ne sais pas où aller, je ne sais pas comment réveiller ce corps immobile, qui garde les yeux ouverts.

Heureusement, on a eu beaucoup de chance dans notre malheur. Tout d'abord, on a heurté de biais la petite roue avant d'un tracteur, ce qui nous a permis de passer par dessus bord et de chuter sur un terrain « libre ». Si l'on avait heurté la cuirasse métallique de l'engin, eh bien... L'autre gros coup de chance est que le dernier motard qui se trouvait derrière nous était un ami tamoul, parlant parfaitement français, et qui a été d'un grand secours. Enfin, une ambulance est passée par là dans les 5 minutes de notre accident, et elle a daigné s'arrêter. Ici, une ambulance n'est rien d'autre qu'une camionnette un peu aménagée et équipée d'une sirène. Il n'y a aucun équipement ou personnel médical à bord, mais c'était un bon moyen de se mettre en route vers l'hosto. En y montant, Sophie est enfin lentement revenue à elle.

Elle a alors eu envie de vomir, et m'a dit que ce n'était pas bon signe du tout, que c'était le symptôme d'un hématome au cerveau (elle est étudiante en médecine). J'ai cherché un récipient pour qu'elle vomisse, on m'a répondu qu'il fallait qu'elle vomisse par la fenêtre - c'est le genre de détails qui n'aide pas à se rassurer. Puis j'ai à mon tour eu envie de vomir, et là l'anxiété est encore monté d'un cran : je me suis dit qu'on était tous les deux en train de devenir des légumes.

Sur décision de notre ami tamoul, on s'est rapidement arrêté pour emprunter un taxi, qui est plus rapide. Mais on commencera par s'arrêter pour faire de l'essence. Ça a été le moment le plus difficile je crois, parce que j'ai perdu la vision de mon oeil gauche, ce qui a confirmé mes craintes d'un hématome au cerveau. Et puis aussi j'ai osé mieux regarder la plaie au front de Sophie, et il m'a semblé qu'elle avait le crâne défoncé vers l'intérieur, je m'étonnais qu'elle puisse encore parler.

Durant la suite du trajet, qui a duré un peu plus de trois quart d'heure (pour moi, il a duré 10 minutes), notre envie de vomir est passée, ma vision est revenue, et on s'est un peu rassuré au sujet de l'hématome. Arrivé à  l'hôpital, j'ai dû faire preuve de beaucoup de sang froid et de persuasion pour obtenir un scanner du cerveau que l'on nous refusait. C'est le genre de moments où plus rien ne compte, on est prêt à s'endetter à vie pour acheter la machine s'il le faut. A ce sujet, heureusement qu'avant de monter dans l'ambulance j'avais eu la présence d'esprit de récupérer mon sac à dos qui contenait toutes nos affaires, en particulier mon argent. Car il a tout fallu payer d'avance pour bénéficier du moindre soin.

Au final on s'en tire extrêmement bien, aucun organe vital n'est touché. Je suis resté hospitalisé une journée, et Sophie a été rapatriée en France au bout de quelques jours afin de surveiller sa blessure à la jambe et y effectuer sa convalescence (qui va durer quelques semaines). Pour sa blessure au visage, il semblerait que les chirurgiens indiens aient fait un bon travail et que la cicatrice disparaisse d'ici quelques mois. Moi je m'en suis tiré sans même un seul point de suture. J'ai juste quelques grosses égratignures et deux dents cassées sous l'effet du choc.

J'ai reloué une moto le lendemain de ma sortie, parce qu'on ne peut rien faire sans, et que j'avais beaucoup à faire. J'ai aussi pensé au proverbe quand on tombe de cheval il faut remonter tout de suite. Pendant plusieurs jours je me suis interrogé sur ma capacité à survivre dans ce pays et me suis demandé si je n'allais pas rentrer en France, tellement je trouvais les routes dangereuses. Je me suis ressaisi depuis, mais il n'en demeure pas moins que conduire en Inde est vraiment risqué. Cela fait 1 mois que je suis à Pondichéry, et dans mon entourage, 4 personnes ont eu un accident de moto, ce qui fait une moyenne d'un accident par semaine, sans compter le mien. Le dernier s'est produit hier soir, un ami est allé s'empaler sur une barre métallique transportée par un chariot. La barre l'a miraculeusement frôlé, de tellement près qu'il en a été égratigné. Bien sûr, il est aussi ouvert à la tête, mais ce n'est pas grave. Par contre, il est toujours sous le choc.

Je ne veux pas jouer aux pères moralisateurs, mais si vous louez une moto, la première chose à faire est d'aller vous acheter un casque, c'est vraiment indispensable. Cela vous évitera de porter à vie une cicatrice au milieu du visage (dans le meilleur des cas), et de vivre un moment éprouvant comme je l'ai vécu. N'attendez pas d'avoir vu le sang couler pour réaliser ce que c'est que d'avoir peur pour sa santé mentale, ça n'en vaut vraiment, mais vraiment pas la peine.
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S
Salut Aurélien,<br /> Un mois que je n'étais pas venu sur ton site... Ca me manquait !<br /> Quel choc de lire tes aventures de motard...<br /> Cela dit, j'ai vécu la même expérience en France et de nombreux motards Français peuvent en témoigner, lorsque l'on se plante en pleine compagne, le risque est que cela passe inaperçu et généralement, on est obligé de se débrouiller seul. Finalement, tu as eut de la chance que ça se passe en Inde... Puisque visiblement plein de monde s'est attroupé après l'accident. (J'ai réussi à te remonter le moral ??).<br /> Heureux que cela se soit terminé sans trop de casse. Donne nous des nouvelles de Sophie.<br /> Accroche toi même si les temps sont durs, il y a toujours de hauts et des bas qui deviendront de bons souvenirs et de sacrées expériences.<br /> Bonnes périgrinations et profite z'en, veinard.<br /> A+<br /> Stéphane
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J
Salut,<br /> Content de savoir que vous avez eu un peu de "chance" et que tout se finit pas trop mal... Remettez vous bien tous les deux, et comme l'a dit l'autre Julien, on préfère les articles plus rigolos, alors plus de bétises !<br /> ++A
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C
Yo Aurélien, Juilen vient de me filer ton adresse de blog, et le premier billet (ou plutôt le plus récent) que j'y lis m'a plutôt effrayé ! J'espère que tu t'es bien remis de ce mauvais moment ! Fais attention à toi, et bon courage pour la suite. a+
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L
ça faisait un moment que je n'avais pas vu de billet sur ton site (j'avais loupé le 14 juilet à Pondichéry aussi), loin de moi l'idée de m'inquiéter. J'aurais du alors...<br /> <br /> J'espère que "ça ira mieux demain" (annie cordy).<br /> Jte souhaite bon courage, que cet accident devienne un mauvais souvenir et que tu vives d'autres moments biens en Inde (comme le ciné, la réception chez l'ambassadeur ou les pâtes italiennes sans sauce épicée).<br /> <br /> à+
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